Les Chroniques de Candy

C'est un hommage

C’est un hommage.

 

“Faut vous mettre au fond, sinon elle postillonnera sur vous !” nous avait mis en garde un gentil monsieur. Toujours aussi sobrement vêtue - jeans rose, débardeur et châle léopard -  je me dirige vers le Point Virgule pour le spectacle de Yvette Leglaire, en compagnie de La Reine, La Légende, Le Sex Symbol et mon frangin spirituel. J’avais entendu, à son propos, que des légendes : qu’elle est déjantée, folle, qu’elle postillonne etc. ; mais j’avais mes réserves, les gens ont tellement tendance à tout exagérer de nos jours. Je me suis vite rendu compte que pour une fois, ils étaient loin en dessous de la vérité. Elle est tout cela en même temps mais en puissance dix. A 22h15, on se met dans la file d’attente, les blagues à son sujet (surtout sur son maquillage) fusent. Que des mauvaises langues dans cette file, vous dis-je ! Les portes s’ouvrent, et la petite salle se remplit assez vite ! Et oui, Yvette joue salle comble (50 personnes). (C’est un hommage) 

 

Ce que l’on est mal assis au Point Virgule ! Les bancs sont tellement rapprochés que l’on a l’impression d'être dans les couloirs du Dépôt. En plus, mes petites jambes ne touchent pas le sol. A chaque fois que je change de position, le monsieur devant moi croit que je lui caresse le dos discrètement. Même pas un coin décent pour mon Longchamp, je dois me résigner à le mettre à même le sol.  

 

Les portes se referment, la gentille damoiselle du guichet annonce Yvette, et un beau jeune homme rentre en scène. “Ha ! Ils ont fait du chemin en chirurgie plastique” me dis-je à moi-même, en pensant à mes rides. Le jeune homme s’installe au piano, ce qui confirme que ce n’est point notre chère Yvette. La musique commence, et elle fait son entrée fracassante, parmi des bouteilles qui trainent dans les coulisses. Elle arrive, souriante et gesticulante, la perruque coiffée en Yvette Leglaire, la petite robe noire et un maquillage à la Leglaire (“Leglaire-o, ego sum”, “Je suis Leglaire, donc je suis”). Sa présence nous fait oublier  qu’on est mal assis, qu’on est serré bite-au-cul, le monsieur de devant et tous les autres inconvénients de la salle. Elle rayonne.

 

Yvette sur scène est chez elle. Pratiquer de l’auto dérision est une chose ; le faire comme elle, c’est autre chose. Parlant de Maria Cotillon qui lui a piqué son rôle dans la Môme car “...pour faire Piaf vieille, il lui fallait trois heures de maquillage ; moi pour faire Piaf jeune, il m’en fallait huit...”). L’histoire est qu’Yvette nous revient après trente cinq ans d’absence. Elle nous interprète donc les succès de sa longue carrière de soixante quinze ans (Elle a débuté au XVI ème. Siècle, pas arrondissement). Des blagues, des chansons parodiées, des jeux de mots qui volent haut, d’autres moins haut, mais faut quand même oser les faire. “Je suis malade”, transformé en “J’aime les bananes”, fallait trouver ! Et toute la chanson ré écrite, avec des calembours et des postillons à tour de bras. Après la même chanson en version portugaise (avec un boa sous les bras... et oui, je vous l’ai dit, elle ose, Yvette !). Puis un “hommage” à Linda de Souza (“Je sais dire ‘disparu’ en portugais”), comme tous les “hommages” qu’elle rend à plusieurs autres artistes (Mireille Mathieu, par exemple, ou encore Frank Dubosc lorsque son pianiste fait une blague qui ressemble au chic d’un jeans baggy, c’est à dire, à rien). Un monsieur du public lui offre un bouquet de bananes, autre grand moment du show lorsqu’elle demande au public leurs origines pour s’affirmer en star internationale (“Lyon ? Vous voyez qu’on traverse des continents pour venir me voir”. Il y avait, dans la salle, un charmant jeune homme venu spécialement de l’Ile Maurice pour la voir, semble-il). 

 

Elle peut aussi se vanter d’avoir parodié Barbara. On me l’aurait raconté, j’aurais craché à la figure de la personne avant de la trainer dans la boue. Aucun humain ne peut parodier ou même reprendre une chanson de Barbara. Mais la parodie de “Maitresses d’acteurs”  racontant les déboires sexuels de sa troupe il y a longtemps, très longtemps, sans elle, est à se dilater la rate. Là, on se dit qu’on ne peut pas être plus sûr de de soi.  Eh bien croyez moi, elle peut. Surprenant tout le monde, au beau milieu d’un numéro, elle ouvre la porte et va continuer la chanson dehors. Stupéfaction de la salle, mais je n’ose pas imaginer les expressions des gens dans la rue, en voyant une telle créature, sortant de la salle comme une furie en beuglant. Faut croire que cela leur a plu, car de la salle, on a entendu un tonnerre d’applaudissement. Elle sait faire sa pub, la Yvette ! On a eu droit aussi à “Singing in the rain”, avec un parapluie qui fait la taille d’un parasol de plage et de la vraie pluie (une bouteille d’eau sur le parapluie a fait l’affaire) qui a arrosé les pauvres gens de devant. Comme si les postillons ne suffisaient pas (C’est un hommage). Numéro courageux quand même, car avec l’eau et la taille du parapluie, une “mort à la Claude François” comme elle le dit, était largement possible. Heureusement, cela ne s’est pas fait, les générations futures pourront aussi aller la voir. 

 

Malgré son grand âge, elle sait aussi adapter son show à l’ère moderne. Les apéros géants de Facebook en prennent un coup. Elle ne les a pas attendu pour les organiser. Elle se les fait toute seule : elle nous le prouve en vidant une bouteille de Vodka cul sec. Plus récent, le scandale de la marée noire de BP. “Regardez, j’ai même repêché un oiseau mazouté” en nous montrant le boa qui a servi de poils d’aisselles à la portugaise. 

 

Vivante et sautillante, elle fait le tour de la scène, elle vient dans la salle, parle au public. Vu la taille de la salle, ce geste donne un côté intime très agréable au spectacle. Lorsqu’elle quitte la scène et revient par la salle, habillée en fourrure et un sac de courses en filet rouge avec un magnum de whisky dedans, et qu’elle hurle, la dame à coté d’elle a failli trépasser de peur et les autres de fou-rire. Elle fait un rappel sur l’insistance du public ; “Je Reviendrai”, version revisitée de “I will survive”, pour clore le spectacle en beauté, avec des plumes d’autruches sur la tête. 

 

Si elle n’a pas eu son rôle dans La Môme, on la verra certainement dans Le Retour de La Môme Y. Un spectacle à voir (du fond de la salle). (C’est un hommage).



28/06/2012
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