Les Chroniques de Candy

Le Sapin

L’île Maurice, île de rêve selon les touristes, enfer pour gays selon Têtu. Mais qu’en est il vraiment ? Comment vivent les Mauriciens ? Que font les jeunes dans leurs quotidiens ? C’est ce que je découvre durant mon séjour sur l’île. Après beaucoup d’années d’absence, je suis revenue au pays pour un laps de temps vraiment trop court, donc j’essaie d’en profiter au maximum. Je tiens à préciser que lorsque j’avais quitté le pays il y a fort longtemps, j’étais encore jeune, belle, fraîche, innocente et vierge. N'exagérons rien, j’étais jeune, belle et fraîche, donc je ne sortais pas beaucoup. Après un séjour à Paris, un séjour en Inde et un autre séjour à Paris, je vois l’île différemment, car en quelques années, Maurice a évolué bien plus vite que je ne le pensais. 

 

Commençons par le commencement. Le Sapin. Dans un précédent article, j’évoquais l’existence d’un cousin avec qui j’ai grandi et fait les quatre cent coups. Ce cousin a pour deuxième maison un lieu qui s’appelle Le Sapin ; pour cause, l’énorme sapin devant l’entrée. Je dis un lieu car je ne vois pas comment qualifier cet endroit. Lumière tamisée, fresques représentant Kaya, Bob Marley et Ti Frère - trois grand noms du reggae et du séga - quelques tables éparses et des chaises. La scène est assez petite et basique : une batterie, une chaise, deux guitares et une console de sono. Un lieu assez sur réaliste auquel je ne m’y attendais pas, vu la description que Bash m’en avait faite. (“Plis to débrallier, plis to pou fit in” - “Plus tu seras débraillé, plus tu seras à ton aise”). C’était à peu près la seule fois de sa vie où il s’est trompé. Ce lieu est un microcosme, un petit monde en soi. A première vue, le spectateur aurait tendance à penser que c’est un petit bar typique de marginaux et d’alcooliques, mais il en est bien plus. C’est un lieu où l’apparence ne compte pour rien. Les rangs sociaux sont complètement brouillés. Je n’y suis pas habitué, mais je pense que si l’on vient en short et tongs, en smoking ou en robe à paillettes, on serait traité de la même manière. Le jugement est secondaire. Pédés, chaussures, coton, folles, blancs, soie, hétéros, robes, chrétiens, rastas, noirs, jaunes, débardeurs, sandales, cuirs, hindous, satins, dreads, musulmans, la différence n’est plus aussi visible que dans la rue. 

 

On est tout de suite happé par l'ambiance qui règne. L’absence de touriste fait du lieu un bar authentique et non pollué par l’extérieur. Les quelques étudiants en programme d’échange sont tellement intégrés au lieu qu’ils sont aussi mauricien que moi. J’avais l’impression d’intégrer une petite famille, où tout le monde se connait. Dès l’entrée, on me serre la main, me fait la bise et me demande si je vais bien. Outre la convivialité à faire pâlir ma mère, le charme de l’endroit est accentué par le prix des consommations ridiculement bas : un verre coûte moins cher qu’un T-shirt à La Croix Rouge ou à Free’p’Star. J’entame la discussion avec les amis de Bash et autres clients du lieu, certains sympas, d’autres jeunes, délurés ou encore joyeusement alcoolisés. A un moment de la soirée, mon oreille attire mon attention vers la scène de la même manière que lorsque j’entends le tintement du cristal.

 

Deux gosses chantent un séga sur scène. Une fille de douze ans et un petit garçon de huit ans. Ce n’est qu’à ce moment que je me suis rendu compte de la mixité du lieu. Des gens qui boivent avec des gosses qui jouent dans la salle sans que cela ne gêne personne, ce n’est pas courant, vous en conviendrez. Cela ne gêne personne car tout le monde se respecte, même les gosses font partie du lieu. A ce moment, je me suis intéressée d’un peu plus près à ce qui se passait sur scène. Ce soir là, c’était scène ouverte. Les habitués  participaient à tour de rôle. Des gens qui chantent merveilleusement bien, d’autres moins bien, mais tout résidait dans le partage du fun. A un moment, K.P et J, deux filles sublimes, montent sur scène. Elles commencent à chanter, et là, mon sang se glaçe. Sur leur reprise de “What’s up” des Four Non Blondes, et j’avais l’impression qu’on retirait langoureusement un nerf de ma colonne vertébrale. Des voix comme je n’en avais rarement entendu. J’ai aussi eu la chance d’y voir Eric Triton chanter ‘Blues dan Mwa’, et si je ne m’étais pas épilé ce matin là, mes poils se seraient dressés, tellement le timbre de sa voix est prenante. Voir un artiste avec une telle renommée sur cette petite scène, avec des gens complètement pris par ses chants et ses accords de guitare, je me suis dit qu’un tel lieu ne peut exister qu’ici. 

 

J’y ai aussi croisé deux amis du temps du lycée avec qui nous avons refait la même chose qu’il y a très longtemps, à savoir, fumer à trois sur la même cigarette, se plaindre, rire et boire. J’ai de suite pris cinq ans dans la tronche, car ce sont des choses dont j’avais perdu l’habitude de faire. Nostalgie, quand tu nous tiens...

 

Moi qui ne suis fan que d’endroits de folles, je dois dire que les endroits plein d’humanité ne sont pas si mal non plus. 



28/06/2012
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