Les Chroniques de Candy

Un coeur en Herbe

 

“Mais si, je suis un fauché !” dis-je à Mme. Hervé travelotté en Monsieur Hervé à la caisse du Tango. J’essayais de le convaincre que je n’étais qu’un pauvre étudiant pour qu’elle me fasse le tarif réduit pour assister à la pièce Un Coeur en Herbe. Un sourire et des yeux doux plus tard, je pénétrais un Tango, transformé en salle de théâtre le temps de quelques représentations de la pièce de Christophe Botti.

 

Un charmant jeune homme fait l’ouvreur, un autre m’installe et un dernier tient le bar. La petite scène de la Folle Académie est agrandie, des chaises recouvrent la piste. Le décor situe déjà l’action : une bibliothèque, un bureau et deux piles de livres. La salle se remplit très vite, les gens se bousculent pour s’installer avant l’extinction des lumières, et on est parti pour un orgasme qui dure une heure et demi.

 

Les lumières s’éteignent, et on plonge directement dans le bureau de Jacques, auteur âgé d’une cinquantaine d’années. Il accueille chez lui Mathan, jeune étudiant innocent qui débarque à Paris pour ses études. L’étudiant est fan de l’auteur. Jeu de séduction très feutré après leurs échanges sur le net... Pour combler le tout, le mari de Jacques, Olivier, un gym queen d’une trentaine d’année, fait irruption dans l’appartement. Méchancetés, vitupérations et défis. La pièce gay classique ?

 

Pas du tout. Les thèmes semblent clichés mais sont comparables aux albums de Madonna. On les a vu maintes fois, mais présentés comme ils le sont, ça semble original. Pour une fois, dans une pièce à caractère gay, on traite la jalousie non comme une pathologie mais comme un sentiment normal assimilé à l’amour et la sincérité. La jalousie d’Olivier face à la nouvelle relation entre Mathan et Jacques - qui ne reste que platonique ; le dépit de Jacques face à Olivier et son amant Rémi, et Mathan perdu dans ce méli-mélo d’émotions. La jalousie et la possessivité justifiées, surtout à travers le monologue d’Olivier, pour qui l’amour et le sexe sont deux choses différentes, alors que pour Mathan, les deux sont indissociables. Contrairement aux autres personnages de la littérature gay qui sont souvent plats (de caractère), ici les personnages sont entiers. Ils ont des opinions, y croient dur comme les muscles d’Olivier, et chacun se dispute avec l’autre pour prouver qu’il a raison. Jacques, dont la voix de la sagesse est de temps en temps muselée par son désir ; Olivier, qui ne prononce pas deux phrases sans “queue” ou “baise” mais qui néanmoins est toujours, à sa manière amoureux de Jacques, et Mathan, avec ses idéaux de la vie à deux.

 

Chaque membre du public qui a un minimum de vécu et d’expérience s’identifie à un moment ou à un autre, à un, voire plusieurs des personnages. Le coup de maître de auteur est de concentrer tous les aspects et traits de caractère des gays actuels dans trois personnages (les gays de droite, ceux qui tapent sur les homophobes, ceux qui veulent partager leur savoir, ceux qui veulent aider les jeunes, ceux qui ont toujours leurs illusions, ceux qui veulent des enfants, etc). Une tranche de vie où l’amour, la méchanceté, l’ego, la différence de génération et le désir sont concentrés en une heure et demi.

 

Des répliques qui seront bientôt cultes, un texte drôle, léger mais pertinent et surtout sans euphémismes servi par trois acteurs brillants. Surtout Jacques. Il est pétillant, attachant, regarde le public avec exactement le regard qu’il faut pour leur arracher leurs larmes ou leurs sourires, une vraie présence sur scène. Je l’ai nommé, sans exagération, la Duse du Tango. Cela dit, les deux autres ont leurs charmes aussi ! La scène hot entre Olivier et Mathan en slip, ou encore, Olivier enserrant de ses biceps tendus le jeune Mathan, digne d’une photo de Bob Mizer.

 

De quoi clore la trilogie “Un Coeur” en grande pompe...



28/06/2012
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