London's Calling (II)
Hier soir, j’ai bravé le froid sibérien pour me rendre au théâtre de l’Athénée, voir Divine, une adaptation chorégraphique de Notre Dame des Fleurs. Moi qui commençais à oublier à quoi ressemblait la nullité, ma mémoire a été rafraichie. Un mec sur scène qui récite le texte pendant un peu moins d’une heure. Pas de costumes, pas de décors. Rien. Etre chez moi, lire le livre au coin d’un feu de cheminée avec un thé et des Scones aurait été bien plus agréable. Je ne comprends absolument pas cette nouvelle vague de pseudo-modernité qui déferle sur les scènes Parisiennes. Pourquoi ils ne font pas la moitié du quart de ce qui se fait à Londres, on se demande.
Lors de mon court séjour, j’ai eu l’occasion de voir Phantom of the Opera au Théâtre de Sa Majesté. Une comédie musicale qui dure depuis vingt cinq ans. Le synopsis est assez connu. Parlons du show. Un show bien ficelé, avec les principaux effets reconstitués dans le théâtre. Des bougeoirs qui s’élèvent de la scène recouvert de brume lorsque le Phantom arrive dans sa barque, le toit du Palais Garnier refait sur scène, tout y était. On a même eu droit au lustre. Les effets sonores étaient excellent, la voix du Phantom sortait de partout dans la salle. C’était tellement bien fait que je me retournais en sursaut à chaque fois, croyant qu’il était derrière moi, mais non, il n’y avait que le peuple… Bref, un très joli show.
Mais il y a mieux. Sur les conseils d’un ami, je suis parti voir Billy Elliot. Comment vous dire… Imaginez les effets scéniques de Copacabbana, la folie de Priscillia et des comédiens pour lesquels on devrait inventer le Prix Nobel de l’Acting. C’était un casting à la Fellini : ls étaient tous à leurs places - les premiers rôles, les seconds rôles, les figurants. Même ceux qui ne comprenaient pas l’anglais parlé avec l’accent Cockney, les jeux de mots de la mort qui tue (mon préféré reste : “William is Queer / William Esquire”) et les gros mots (qui rajoutent à la véracité de la pièce) ne se sont pas ennuyé une seule microseconde, c’est vous dire à quel point on en avait plein les yeux. Ils n’ont vraiment pas lésiné sur la mise en scène : pour chaque tableau, il y avait un décor différent. L’idée de faire des décors escamotables était une réussite. Ce système a permis de changer de décors en moins de temps qu’il m’a fallu m’appliquer du mascara ce soir là. Les toilettes où ont lieu quelques confidences, par exemple, sont en en arrière scène, et sont tirées au gré des besoins de confessions ou confidences. Idem pour la chambre où l’ami de Billy s’habille en robe. Juste après cette scène, une déferlante de folie. Je ne sais pas où ils ont eu l’idée de la faire, mais ils n’ont pas perdus leurs temps. Un rideau en lanière de lamé gris de déroule soudainement du plafond. La chambre glisse en coulisse, laissant les deux garçons en robe sur scène. Contre toute attente, cinq robes géantes, de robes de femmes de la classe populaire arrivent sur scène. Elles entament une danse de claquettes endiablée. Pendant toute cette scène, on avait l’impression d’être à Bercy lorsque la la boule à facette s’ouvre et révèle Madonna. Autre tableau marquant est la danse du Lac des Cygnes, où Billy danse avec lui même quelques années après. Une danse parfaitement synchronisée, sans décor tellement les danseurs suffisaient à eux même.
Je ne sais pas à quoi le jeune Billy tournait, mais cela lui réussissait. Il débordait d’énergie, il est sur scène pendant pratiquement tout le spectacle. Claquettes, classique, crises, douleur, joie, panique… il arrive à tout faire passer sans effort. Lorsqu’il parle à sa mère, qui est décédée, j’aurais pleuré si mon mascara était waterproof, tellement il est dans les émotions sans tomber dans le pathétique. La scène où il danse contre les policiers qui répriment la grève des mineurs coïncide avec le moment où son père l'empêche d’aller à l’audition de la Royal Opera. Sa performance arrive à faire passer son mal être ainsi que la révolte face à la répression. Et oui, c’est un scénario anglais. Un scénario anglais sans du social serait comme Vogue sans le passage de Diana Vreeland : incomplet et sans intérêt, voire inexistant. Le frère de Billy est un militant extrémiste contre la politique de Lady Thatcher, et le fait que son frère s’intéresse à un ‘truc’ de bourgeois le dérange profondément. La lutte des classes et le sectarisme est bien présent, mais sans pour autant déranger ou surcharger la narration. Au contraire, tout cela contribue à justifier cette fameuse séquence de danse contre les policiers. Le frangin, beau comme un flacon de Kokorico, finit par se modérer et accepter que le petit fasse de la danse. Il y a aussi la grand mère, une vieille grossière mais tellement attachante.
La finale est aussi grandiose que la représentation : tous les comédiens finissent en tutu. Et pour répondre à la question si Billy est gay ou pas : on s’en badigeonne les couilles avec les pinceaux de l’indifférence !
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